Le Loup des Steppes

Transition d'un jeune loup FTM

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Enfiiiin ! Après de multiples rebondissements, c’est fini, l’argent pour l’opération a bien pu être viré à la clinique ! Ca m’enlève un poids énorme. Et surtout ça veut dire que c’est bon. Officiellement. Je peux prendre mon avion mardi prochain, tout est fin prêt pour le jour J.

Et ça, c’est vraiment une très booooonne nouvelle.

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Sharks

« Life is not a movie. Good guys lose, everybody lies, and love… does not conquer all. » – Buddy dans Swimming with Sharks.

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Le Clash

C’est toujours très énervant de découvrir que les gens savent quelque chose de très personnel sur vous, depuis des mois.

C’est encore plus agaçant quand il s’agit de vos colocs. Et de leurs amis. Et leurs vagues connaissances.

Les gaffes ça craint.

J’ai envie de passer au-dessus.

Mais quelque chose m’en empêche (en plus de la colère que je ressens).

C’est comme hier. Je déteste les regards qui cherchent la fille en moi. Je les déteste encore plus quand sur le coup je me rends compte que la personne me regarde bizarrement, mais que je suis à des kilomètres de me douter qu’elle sait, et que le lendemain j’apprends qu’effectivement, elle savait. Encore à cause d’une gaffe.

Me dire que pendant des mois les gens savaient, et que je ne savais pas qu’ils savaient me mets très en colère.

Parce que je crains ce qu’ils ont pu penser, en me voyant fille et me sachant trans. Et que ça me fait mal de me dire qu’ils ont cherché le garçon en moi sans le voir. Puisque tout ce qu’ils pouvaient faire c’était regarder l’aspect physique. Je pense que c’est assez difficile à comprendre si ce n’est pas vécu. Disons simplement que ce que je ressens s’apparente à un sentiment de honte.

Il y a des gens à qui je vais tout simplement arrêter de parler. De choses personnelles en tout cas.

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Stuffs

J’ai fait mes cartons aujourd’hui. Dur, dur.

Déjà pour des raisons pratiques. J’ai déjà de nombreux trucs emballés et j’ai l’impression que ma chambre n’est pas plus vide… C’est fou d’ailleurs tout ce qu’on peut accumuler. Surtout que j’ai une tendance à garder des choses inutiles. Comme tout un tas de magazines que je réouvrirai probablement jamais…

Ensuite parce que c’est la fin.

À part ça.

Malgré de nombreuses difficultés bancaires pour payer la clinique aux States, la situation s’est finalement arrangée ce qui m’a libéré d’un énorme stress (peur que, ne voyant pas la thune arriver, ils annulent l’opé). J’ai également faxé les examens de labo avec l’avis du médecin qui me « clear for surgery ».
Voilou, j’ai donc plus qu’à finir mes cartons, faire les derniers préparatifs, faire mes bagages.
Et partir.

Sinon hier c’était la dernière soirée à l’appart. Sans musique pas que nos voisins sont de la Gestapo.
Mais c’était sympa. Bizarre mais sympa.
Pleins de gens ont dit « une coloc avec deux gars et deux filles, c’est cool ». Donc voilà, je passe totalement now. Mais je continue à faire jeune…

En tout cas, j’ai survécu à ma première soirée sans alcool, dans un environnement de tox, où s’épanouissaient les bouteilles de bières, les joints, les clopes… Le tout avec un bras de camé à cause d’une prise de sang qui m’a donné un bel hématome d’héroïnomane. J’aurai jamais du mettre cette image de Trainspotting l’autre jour… Saleté de karma.

Le plus fort dans tout ça c’est que j’avais un horrible mal de crâne ce matin. Ironique hein ?

Life’s a bitch.

But that’s ok…

…I guess.

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Chers anonymes,

Je voulais vous écrire depuis un moment… pour vous vous inciter à commenter plus fréquemment le blog. Oui, vous, lecteurs anonymes. Parce que j’ai souvent l’impression que ça ne marche que dans un sens, alors qu’à la base j’ai créé ce blog pour permettre à ceux qui me connaissent mais ne me voient pas tous les jours de suivre mon évolution, de mieux comprendre mon passé, mon présent et mon futur.

Cependant, si je poste aujourd’hui, plutôt qu’une autre fois à ce sujet, c’est à cause du deuxième commentaire posté anonymement sur le post précédent.

Premièrement, je trouve ça lâche. Je me confie, je livre chaque jour une partie de moi pour vous aider à mieux me comprendre et tout ce que j’obtiens c’est un commentaire anonyme ? Alors oui, parfois, les choses ne sont peut-être pas géniales à entendre.

Mais, c’est mon deuxième point, les choses n’ont pas été géniales pendant mes 21 premières années. J’ai supporté beaucoup. Pas toujours de façon consciente, heureusement. Enfant j’évacuais mon mal être dans une violence dont peut témoigner le mur de ma chambre, ma chaîne hi-fi ou même mon tibia, marqué à jamais par le fracassement d’une lampe contre celui-ci. Alors je trouve ça vraiment nul et facile de me critiquer sur ma façon de réagir à certaines situations, sans avoir le quart de ma situation.

Donc je trouve que poster un commentaire anonyme en disant que je ne mérite plus d’attention, que c’est fini etc, c’est tout simplement minable. SURTOUT quand on reproche de ne pas parler.

Quant à mon dernier post. Je sais qu’il n’est pas facile à lire pour ceux qui m’ont connu avant, et j’en suis désolé. Mais je ne trouve pas que quelques lignes correspondent à de nombreuses années de silence.

Vous voulez quoi ? Que j’arrête d’écrire ? Que j’arrête d’expliquer ce que moi j’ai vécu pendant que vous regardiez cette petite fille s’amuser ? Que j’oublie qu’à 8 ans je priais tous les soirs pour devenir un garçon ? Qu’à 15 ans je crevais dans ce corps en pleine puberté ? Que j’étais écoeuré par tout mon être à 20 ? Que je me faisais mal pour ressentir – extérieurement – quelque chose d’autre qu’une souffrance intérieure atroce ?

Pour vous c’est juste la prise de conscience, qui est, forcément (pour certains), un atterrissage douloureux. Mais je n’ai aucune envie de m’en excuser, parce que je n’accuse personne. Je sais que vous avez aimé V., et tant mieux. Ma transition ne se passerait pas aussi bien si ce n’étais pas le cas. Simplement moi je l’ai détesté, et parfois, j’ai du mal à oublier qu’elle a été là, surtout quand elle s’incruste sur mes photos. J’ai honte de l’avoir laissé exister si longtemps.
Attention, n’allez pas croire que je suis schizo. Bien sûr, j’ai été V., et même si je change physiquement et mentalement, je ne renie pas cette partie de moi ! j’ai simplement envie de bousculer votre rapport à mon identité, qui a changé et changera encore…

Se confier n’est jamais facile, surtout quand on sait qu’on est lu. Mais j’imagine qu’il faut choisir, entre l’honnêteté et le mensonge, et en assumer les conséquences…
Personnellement, j’ai choisi la deuxième option trop longtemps, maintenant j’en ai marre.

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L’imposture

Vous l’avez peut-être senti en lisant mon blog cette semaine : en ce moment mon humeur est en dents de scie…

J’alterne entre joie et stress pour l’opération à venir, mais aussi joie et déprime concernant l’année qui se termine.

Présent et futur. Les deux ont du bon.

Par contre, le passé, oh my… Le passé…

Alors oui, j’admets, regarder des vieilles photos n’est jamais une idée brillante quand on est d’humeur instable.

Mais ça faisait un moment que je voulais parler de mon rapport aux photos (qui évolue en permanence d’ailleurs). Si je le fais maintenant, c’est parce que je viens de mettre des mots sur un des sentiments qui m’habite lorsque je vois mon ancienne carapace en photo.

J’ai l’impression qu’on m’a volé mon passé. Qu’elle – plus précisément – m’a volé mon passé. Cette personne que je vois sur les photos, et qui n’est vraiment pas moi, avec qui je ne connecte plus.

Je sais que pour certains d’entre vous, ce genre de phrase doit faire bizarre, voir mal. Mais j’ai vraiment ce sentiment de dégoût et de colère en voyant ces photos souvenirs. Parce que finalement, quoi qu’il arrive, je ne revivrais pas ces évènements là, et je ne pourrais jamais en avoir un souvenir à mon image. Il faudra que je me contente de me dire que, oui, j’y étais.
Heureusement, j’ai une bonne mémoire visuelle, et je me console en me disant que les vraies photos, je les aient dans la tête.

Comme ce lever de soleil dans la gare d’Amsterdam…

Mais quand même. Ca m’énerve et m’attriste. Ca me donne même par moment l’envie de refaire certaines photos, celles qui comptent. Celle où j’ai une passoire sur la tête en fin de soirée après le bac, celle ou je porte un casque de chantier et une hache dans les rayons de Leroy Merlin, celle où je me vide une mapmonde remplie d’eau dans la piscine gonflable installée au milieu du salon de mes parents, celles où je déambule dans les rues de Montpellier avec F., L., P. ou M.…

Tiens, à cette occasion j’ai envie de préciser : non je n’étais pas « petite ». Non, je n’ai pas envie qu’on parle de « mon moi du passé » au féminin. Non je n’ai jamais été cette fille qu’on peut voir sur les photos. Et ce n’est pas parce qu’à l’époque je n’avais pas les mots pour le dire (ou, plus récemment, le courage), que je me sentais moins garçon déjà à ce moment-là.
J’étais petit, j’étais farceur, dynamique, joueur, etc, et tout ce que reflète les photos et vos souvenirs est un féminin qui m’agresse.

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« Samuel ? »

Oui, vous ne rêvez pas : c’est par l’appel de mon prénom que l’entretien a commencé.
Par « automatisme », j’ai répondu « merci ». Je ne pense pas que le prof ait compris pourquoi.

La suite s’est très bien passée, pas une mention de ma transsexualité (ils avaient mon dossier sous les yeux). Ils m’ont simplement parlé au masculin pendant les quelques minutes d’entretien.

C’était formidable.

D’autant plus que je n’ai ressenti aucun stress. Ni dans le métro, ni en allant à la fac (pèlerinage), ni dans les couloirs, ni au moment de la rencontre. God bless testosterone.

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« I just thought that’s what guys do around here »

L’autre soir j’ai regardé Boys don’t cry. Ca faisait un moment que je voulais le revoir parce que la dernière fois que je l’avais vu (au lycée), je ne me savais pas encore trans. Ca peut paraître bizarre, de se dire que j’ai pu voir le film sans tilter, mais en fait, pas tant que ça.

D’abord parce que Brandon est déjà sur de lui, il se sait mec, vit et agit comme tel. De fait, on le perçoit comme ça, et finalement il me semble que le sujet de la transsexualité n’est qu’à peine évoqué. Et encore. Evoqué comme un fait plus que comme une situation. Brandon est un trans ? « Non ». Brandon est un mec.

Chaque parcours est différent. La prise de conscience ne se fait jamais de la même façon. Et je suis un putain de lâche.
J’ai fuis pendant 5 ans. Dans le cinéma ; principalement…

Du coup. Revoir le film aujourd’hui m’intriguait. Maintenant, plusieurs points me viennent à l’esprit, que je vais essayer de traiter de façon personnelle, sans le regard trop « critique de cinéma ».

Si vous n’avez pas vu le film, ne lisez pas la suite…

Non ?

Bon, je vous aurai prévenu !

Le premier c’est que dans mon souvenir, la mort de Brandon suivait de très prêt la scène dans la salle de bain où John et Tom le déshabillent.
Et pour moi cette scène de salle de bain était le vrai drame du film (au point d’en oublier la scène de meurtre). Parce que c’est la pire chose qui puisse arriver. Etre humilié. Réduit à une difformité biologique qu’on exècre… À côté d’une telle situation (et sa suite dans le film…), la mort ne fait tout simplement pas le poids.

Ensuite, il y a cette phrase de Brandon : « I just thought that’s what guys do around here » en réponse à Lana qui lui reproche de s’être fait trainer dans la boue. Cette phrase et peut-être celle qui m’a touché le plus. Elle représente la candeur de Brandon et de tous les ftm. Etre garçon c’est vouloir faire des trucs de garçons. Oui. Et alors ?

Enfin. Mon rapport nouveau film. Bizarrement. Mon regard face au film n’a pas tellement changé. Parce que Brandon est toujours un mec. Et que je suis un trans. Je ne suis pas sûr d’avoir déjà parlé ici du rapport ambigu trans-homme, mais il y a une différence. Etre trans c’est plusieurs choses. Etre en transition. Déjà. Ce qui est déjà beaucoup parce que ça veut dire être à un moment de sa vie ou on se soucit peut-être un peu plus de sa prochaine piqouse ou opération que de certaines choses de la vie. Et puis être trans aussi comme identité. S’assumer comme trans. Se vivre comme trans. Et non pas comme homme bio. Ca veut tout simplement dire qu’on accepte (et reconnaît) une différence. Parce qu’on n’est pas né bio, qu’on a grandit en étant considéré comme fille, parce qu’on refuse d’être noir ou blanc. Parce qu’on aime le gris.
Cependant, c’est très personnel, et tous les trans ne ressentent pas les mêmes choses.

Du coup je ne suis pas si proche de Brandon, toujours pas.

Bah. On verra dans dix ans.

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Rire

Bon. Pour contrebalancer le post précédent, je vous balance mon rire… Désolé pour ceux qui ne connaissaient pas mon rire d’avant, mais pour les autres je pense que ça vaut le coup !

Enjoy !

Vous vous demandez le contexte ? Hum. J’ai pas le droit d’en parler sans compromettre l’intégrité musicale de quelqu’un… Disons juste que ça implique une chanteuse très célèbre, récemment « épinglée » par le président. Non, pas Carla.

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Addict

C’est horrible. Je viens de réaliser (j’arrivais pas à l’intégrer vraiment) que je ne dois plus avoir de piqûres de testo d’ici l’opération (pour des histoires de flux / pression du sang). Donc ça reporte mon prochain shoot au 6 juillet, jour de mon retour à Paris.

Ca me fait un coup. J’ai l’impression stupide que je vais perdre tous les effets bénéfiques… Je sais que c’est ridicule d’un point de vue physique, par contre psychologiquement je sais (témoignages lus) que ça va jouer sur mon moral et que je risque d’être « en manque » et pas très très bien à cause de ça.

Menfin. Oui. C’est pour l’opé. Ca vaut le coup. Je sais.

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